En guise d’au revoir
La quatrième édition de nos rencontres euromaghrébines, cette année, avait quelque chose de singulier, tant par sa thématique qui nous a interpellé par son actualité, que par le succès de la participation de nombreux auteurs des deux rives, aussi bien familiers que nouveaux…
Encore une fois, le Palais Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Saïd, a accueilli les participants dans la splendeur de son jardin et ses terrasses, inspiré par les normes de l’architecture andalouse. La vue panoramique sur le Golfe de Tunis complète cet endroit magique, lieu parfait pour une telle rencontre, mettant immédiatement à l’aise, tant les invités que le public. Lors de la séance d’ouverture, M. Raouf Dhakhlaoui, maire de Sidi Bou Saïd, fut invité à prononcer un discours de bienvenue.
L’infrastructure logistique, mise à disposition par M. Soufiane Fekki, Directeur Général du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes, lieu de la rencontre, était de nouveau au rendez-vous, avec le même souci de précision et de qualité dont nous avions besoin, afin de pouvoir assurer le suivi des travaux, sur la base des interventions orales et écrites des participants, qui devraient être toutes enregistrées afin de permettre leur transcription.
Cette année, les visages désormais familiers des organisateurs étaient rassurants, dispensant des conseils et explications aux participants : Samia Boulares, appareil photo en bandoulière, toujours disponible et de service, moyennant une photo ou un portrait (photos généreusement contenues dans le site web de la rencontre) ainsi qu’Odette Devleeschouwer, prête à assister les voyageurs perdus, en quête de repères ; aussi, l’œil vigilant du grand photographe Juan Angel de Corral a capté les moments forts de l’évènement, dont le résultat illustre la présente édition.
Durant les débats, l’approfondissement des rapports entre la littérature et le dialogue, les défis de notre temps, le besoin de comprendre notre monde, et la présence physique de “l’écrivain”, devant nous, en chair et en os, donnait à notre rencontre un suspense tout particulier.
Par bonheur, la belle brochure explicative contenant biographies et photos des participants était rapidement disponible, élément indispensable aux premiers moments de l’évènement. Car, une fois les premières introductions faites, œuvre et étapes de chacun à l’appui, le reste a suivi son cours ! Nous espérons que les liens tissés entre les écrivains, lors de la rencontre, resteront durables.
Concernant le contenu des débats, cela fut un foisonnement d’idées et de messages ; on peut citer, pêle-mêle, quelques bribes : le rôle de la littérature dans le contexte de la mondialisation et dans le dialogue entre les cultures ; la multitude des thématiques concernées ou évoquées : le roman historique, la philosophie, la psychologie, les mémoires collectives… Le combat des écrivains pour être entendus, dans des conditions souvent très difficiles, d’oppression, de censure et de pressions de tous genres, nous a émus. Le rôle des croyances, du pouvoir, les tiraillements entre la tradition et la modernité avaient toute leur place. Les combats de l’émancipation féminine, du combat quotidien pour la survie, dans des mondes faits d’interdits et d’entraves, nous ont été décrits.
Le rapport de l’homme avec la nature et la conscience écologique, plus urgents que jamais, a aussi été évoqué comme valeur universelle à défendre et à promouvoir. La formidable force de résistance que peut constituer l’œuvre littéraire en tant que rempart contre les extrémismes a été soulignée. L’obstination à écrire, comme la meilleure forme de résistance aux totalitarismes, petits et grands. Nous avons eu de beaux moments de dialogue entre des maitres penseurs anciens, Platon, Avicenne, Averroès, Ibn el Arabi, etc.
Nous avons entendu, par la Présidente du Comité des écrivains en prison, Marian Botsford Fraser, de manière émouvante, la description du rôle historique de PEN International en faveur des écrivains en difficulté ; ses efforts pour constituer des réseaux en vue de promouvoir et défendre des causes justes, ont été soulignés par Jean Jauniaux, Président du Pen Club Belgique, au nom de PEN International. Ils ont permis de prendre conscience du nouveau contexte géopolitique, toujours semé d’embuches, pour les écrivains épris de liberté et engagés à défendre les valeurs universelles.
La contribution des doctorants chercheurs de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités, de l’Université de la Manouba, à travers la référence à la littérature comparée sur le thème du dialogue, a permis de nouveaux éclairages. L’importance de veiller à la traduction d’œuvres d’auteurs arabes encore méconnus a été soulignée. Le modérateur Professeur Kamel Ben Ouanès, qui a su, encore cette année, mener cet exercice avec talent nous a permis de découvrir des images inattendues de l’écriture.
Après les séances du deuxième jour, quelques participants se sont déplacés au centre culturel “l’Agora”, à La Marsa et ont pu rencontrer des membres de la société civile tunisienne et avoir un échange de vues sur base d’une brève présentation de leur parcours individuel. Les hôtes n’ont pas hésité à poser plusieurs questions précises à l’adresse des écrivains.
À la fin de la rencontre et à l’invitation de Madame Laura Baeza, les participants ont été reçus à la résidence du Chef de la Délégation de l’Union européenne, à Sidi Bou Saïd, où quelques participants ont pu rencontrer « leur » ambassadeur ou attaché culturel, accrédité en Tunisie. L’accueil, durant cette réception, fut très chaleureux et les hôtes n’ont pas manqué d’exprimer leur appréciation de l’évènement, plus particulièrement à l’égard de l’inspirateur de cette initiative, Madame Laura Baeza, qui s’apprête à conclure son mandat d’Ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie.
Tous les participants lui ont rendu un vibrant hommage pour son engagement et l’importance donnée à cette autre forme de diplomatie, basée sur l’échange entre les cultures, dans ce cas particulier, à l’échelle euromaghrébine, mais aussi porteuse de messages à vocation universelle.
Les participants ont pu renouer avec les racines du passé de la Tunisie, à l’histoire trois fois millénaire, en visitant le musée de Carthage et les thermes d’Antonin, le plus vaste ensemble thermal romain construit sur le sol africain, avec le guide exceptionnel M. Mohammed Dridi, qui leur a permis d’apprécier l’intemporalité des lieux et l’impressionnant héritage historique de la Tunisie.
Alexandre Zafiriou · Minister Counsellor at the European Union Delegation to Tunisia · Ministre conseiller à la Délégation de l’UE en Tunisie